Observations de la Cour des Comptes sur les contrôles de l'IFI

L’IFI (impôt sur la fortune immobilière) a été introduit par la loi de finances 2018 suite aux changements effectués sur l’ancien impôt sur la fortune. Il vise uniquement les actifs immobiliers dépassant une valeur nette de 1,3 millions €.

Synthèse du chapitre III des Observations définitives - L’impôt sur la fortune immobilière pour les exercices 2018 à 2022:

Un contrôle qui s’est professionnalisé mais qui doit encore s’améliorer sur la détection et l’évaluation de la fraude

Le contrôle de l’IFI s’intègre dans le contrôle du patrimoine et des revenus des particuliers, ciblé sur les risques, avec des outils de détection pour les anomalies. Ces outils montent en puissance. Les contrôles ainsi que les résultats sont en augmentation depuis 2020, mais certains risques spécifiques sont peu contrôlés et il n'y a pas d'estimation de la fraude. Il y a peu de contentieux du fait de plutôt privilégier dans la conduite du contrôle la conciliation et que l’IFI date de 2018.

Une stratégie de contrôle plus ciblée mais peu formalisée

Les enjeux financiers sont limités du fait du taux d’imposition maximum de 1,5 % de l’IFI, ce qui a pour conséquence qu’il ne soit pas doté d’une stratégie dédiée et ne soit pas au cœur des priorités de contrôle. Le passage de l’ISF à l’IFI a incité l’administration fiscale à revoir ses méthodes de contrôle.

Le contrôle s’appuie sur l’approche corrélée revenus/patrimoine. Le contrôle porte sur les absences de déclaration et la minoration d’assiette. Les contrôles sont en majorité réalisés sur pièces, les contrôles de la situation fiscale sur place représentent quant à eux 1 % des contrôles.

Les dossiers à forts enjeux (DFE) étaient identifiés par les revenus et le patrimoine, avec la réforme de l’IFI des critères de risques ont été intégrés pour couvrir davantage de contribuables. Un service dédié au sein de la DGFiP utilise le data mining, pour analyser les données déclaratives, afin d’améliorer les contrôles.

L’affinage des critères de risques porte sur les revenus fonciers, le patrimoine soumis à l’ISF, les cessions immobilières élevées ou les biens détenus à l’étranger pour détecter les absences de déclaration à l’IFI, qui sont au nombre de 25000 depuis 2019.

La minoration d’assiette est elle détectée par l’usage des bases de données foncières et les échanges d’information sur les biens détenus à l’étranger dans l’UE et pays de l’OCDE. Près de 3400 dossiers ont été ainsi signalés en 2022.

Un pôle national de soutien au réseau dédié au contrôle patrimonial a vu le jour en janvier 2023 au sein de la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF) pour guider les DRFiP. L’usage des listes nationales issues du data mining pour les contrôles varie selon les départements.

Les dirigeants d’entreprise sont contrôlés à l’échelon interrégional par les brigades patrimoniales depuis 2017 avec un contrôle sur pièces des dossiers. Les brigades patrimoniales utilisent aussi les listes transmises par la DGFiP.

La DNVSF s’occupe des dossiers à très forts enjeux (DTFE), ceux aux revenus et/ou patrimoines les plus élevés (revenus bruts foyer >1M€ ou actif brut IFI >6,9M€). Le nombre de contribuables concernés augmente fortement chaque année et environ 50 % ne sont pas redevables de l’IFI.

Plusieurs pôles nationaux de contrôle à distance des particuliers (PNCD) ont été créés pour des contrôles sur pièces sur des anomalies ciblées à partir des listes de data mining, afin d’améliorer la couverture du fichier.

Des outils de détection des risques qui montent en puissance

La base nationale des données patrimoniales (BNDP) est le principal outil de détection. L’objectif d’intégrer les données dématérialisées de manière automatisée issues des successions via les notaires est prévu pour 2026-2027.

Tissufip est un nouvel outil apparu en mars 2023 pour analyser le tissu fiscal des particuliers, le recensement des SCI et analyse-risque fondé sur le data mining. L’outil a vocation à élargir son périmètre de ciblage pour devenir plus efficace et cibler l’ensemble des contribuables. Un projet informatique visant à améliorer le pilotage du contrôle fiscal et s’adapter à l’IFI en proposant des outils de pilotage performants, le projet PILAT, est en cours d’implémentation.

Selon la Cour des Comptes, il peut manquer certaines informations pour permettre un ciblage efficace : l’adresse exacte d’immeuble est parfois absente lorsqu'il est possédé par une société. L’usage de l’IA est utilisé par la DGFiP pour croiser les informations avec les autres bases de données. L’absence d’obligation de saisir le numéro Siren d’entreprise (notamment SCI) dans la déclaration IFI est pointé par la CdC comme problématique et devant être modifié.

La taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles détenus en France est un outil de détection. Les personnes morales détentrices d’immeubles de manière directe ou indirecte en France sont redevables de cette taxe. Il y a exemption de cette taxe lorsque l’entité juridique communique des renseignements à l’administration fiscale sur les immeubles détenus.

Les sociétés détenant des actifs immobiliers imposables doivent communiquer les informations nécessaires pour les déclarations des redevables à l’IFI. Ces informations ne sont pour l’instant pas transmises obligatoirement à la DGFiP.

Les cas d’absence d’évolution de valeur déclarée de biens immobiliers ne sont pas analysés.

Des contrôles en augmentation mais un taux de couverture qui reste faible et une fraude difficile à estimer

Les contrôles IFI sont en augmentation, même s’ils ne ciblent que 2 % des redevables en 2022. La grande majorité des contrôles sont sur pièces et non sur place. Le produit des contrôles en 2022 est de 100M€. Le rendement moyen d’un contrôle sur place est de 146000€ et de 30000€ sur pièces. Les contrôles sur place de la DNVSF visent les dossiers importants. La valorisation (minoration de l’assiette) des biens concerne plus de 60 % des rappels. La défaillance de déclaration un peu moins de 30 % des rappels.

Les risques liés à la détention indirecte et aux non-résidents sont moins abordés que la défaillance de déclaration et la minoration d’assiette.

Les dons, les plafonnements et le contrôle du passif déductible à l’IFI représentent un faible nombre de dossiers par rapport aux défaillances et minorations d’assiette.

Il y a eu une augmentation du nombre de SCI et de valeur des biens détenus indirectement durant ces dernières années. Mais l’administration fiscale a peu d’informations sur leur passif.

Le contrôle des non-résidents et des biens à l’étranger est plus difficile pour la déclaration du patrimoine immobilier. L’échange de renseignements avec pays hors UE nécessite actuellement que les motifs de soupçons de l’administration fiscale soient fondés. L’immobilier est moins concerné par l’échange automatique de renseignements que les actifs financiers.

Au sein de l’UE les échanges d’informations sont plus approfondis avec la coopération administrative dans le domaine fiscal (DAC) pour des informations sur le patrimoine immobilier. La France est liée à 125 États par convention fiscale bilatérale et a signé des accords spécifiques pour l’échange de renseignements avec 26 États.

Les contrôles IFI ont augmenté sur la période 2020-2022 mais le taux de contrôle des redevables est de 2,4 % en 2022.

Les stratégies de programmation des services fiscaux locaux diffèrent selon les départements. La Cour des Comptes considère qu’un bilan de l’utilisation des listes issues du data mining et comparaison des stratégies locales serait utile. La DGFiP planifie de mener une analyse qualitative des dossiers contrôlés au premier semestre 2024.

La DGFiP ne fait pas d’estimation de la fraude à l’IFI, puisque les contrôles sont ciblés sur des critères de risque. Le calcul de l’IFI n’est pas basé uniquement sur la valeur vénale du patrimoine immobilier. De nombreux patrimoines sont sous-évalués.

Selon l’INSEE dans sa base de données sur le patrimoine immobilier, 41 millions de biens immobiliers sont possédés par des personnes physiques résident en France, dont 2,9 millions possédés par l’intermédiaire de 950.000 SCI. Des travaux conjoints entre administration fiscale et l’INSEE sont nécessaires selon la Cour des Comptes.

La Cour des Comptes recommande que la DGFiP devrait évaluer l’écart fiscal de l’IFI par l’exploitation de données statistiques patrimoniales sur un panel représentatif.

Un contentieux encore limité

Les contrôles recherchent la conciliation avec l’accord sur valorisation des biens, avec la régularisation du contribuable au titre de l’article L 62 du LPF. La part de dossiers qui incluent une fraude délibérée et donnant lieu à la majoration de 40 % est faible.

Les contentieux sont principalement liés à un désaccord entre l’administration fiscale et le contribuable sur l’assiette. La majorité étant traitée par les services locaux, plutôt que par les directions régionales et nationales. Les dégrèvements sont accordés dans 85 % des cas par les services locaux. Ces dégrèvements représentent 0,4 % de l’impôt recouvré. Les contentieux juridictionnels sont peu nombreux et encore moins ont déjà été jugés, puisqu’il s’agit d’un impôt récent.

Conclusion 

Le contrôle de l’IFI est en augmentation mais ne représente encore que 2 % des redevables en 2022. Il est en grande majorité réalisé sur pièces, dans une stratégie de contrôle revenus/patrimoines. La minoration d’assiette représente 60 % des contrôles et la défaillance de déclaration environ 30 %. Les requêtes nationales du datamining permettent d’identifier des dossiers à risque pour la défaillance et pour la minoration d’assiette. L’outil Tissufip est venu compléter en 2023 les outils de contrôle existants.

L’administration fiscale est moins bien équipée pour contrôler les biens détenus indirectement par les SCI, en dépit de leur développement. Les outils de contrôle et la transmission d’information des titres immobiliers des SCI pour l’administration fiscale devrait être renforcée note la Cour des Comptes. Le contrôle des non-résidents et biens à l’étranger manque de données pour les patrimoines ne produisant pas de revenus.

La bonne couverture du fichier des redevables est nécessaire selon la CdC pour que les contrôles conservent leur effet dissuasif et préventif. La fraude à l’IFI n’est pas évaluée par l’administration fiscale, la CdC considère qu’il faudrait s’appuyer sur les bases de données du patrimoine mobilier des ménages.

Il existe peu de contentieux, la régularisation et la conciliation sont privilégiées, une trentaine de contentieux juridictionnels ont été jugés, dont quatre en appel.