Loi de finances 2025 : articulation du nouvel article 4B du code général des impôts avec la convention fiscale passée entre la France et les Emirats
La loi de finances pour 2025 introduit une modification notable concernant la détermination du domicile fiscal des Français résidant à l’étranger. Cette nouvelle disposition, inscrite dans l’article 4 B du Code général des impôts (CGI), vise à mieux articuler le droit fiscal français avec les conventions fiscales internationales.
Cet article explore les implications de ce changement, en particulier les ambiguïtés qui persistent dans son application pratique, et souligne la nécessité d’une clarification pour dissiper les incertitudes juridiques.
Sommaire :
1. La situation applicable avant le 1er janvier 2025
2. L'application de l'article 4 B depuis le 1er janvier 2025
3. Une clarification bienvenue mais des zones d'ombre persistantes
1. La situation applicable avant le 1er janvier 2025
Avant la loi de finances pour 2025, la détermination du domicile fiscal en France reposait sur l’application alternative de trois critères définis à l’article 4 B du CGI :
- Foyer ou lieu de séjour principal en France
- Exercice d’une activité professionnelle principale en France
- Centre des intérêts économiques situé en France
Une personne remplissant l’un de ces critères pouvait être considérée comme domiciliée fiscalement en France selon le droit interne, même si une convention fiscale la désignait comme résidente de l’autre État.
Cette seule situation n’était pas de nature à générer d'ambiguïté dès lors que, dans le cadre des clauses d’élimination des doubles impositions, la plupart des conventions fiscales prévoient la neutralisation de ces critères de domiciliation lorsque le contribuable est regardé comme non résident français.
Certaines conventions font toutefois exception, notamment celle conclue avec les Émirats-Arabes-Unis (ou Oman), laquelle prévoyant qu’une personne peut être résidente fiscale des EAU selon l’article 4 de la convention tout en restant domiciliée en France au regard du droit interne. Dans ce cas, l’article 19.2 de la convention prévoit un cas unique de superposition de la domiciliation fiscale française sur la résidence Émirienne ayant pour conséquence l’imposition en France de l’ensemble des revenus du contribuable
2. L'application de l'article 4 B depuis le 1er janvier 2025
L’article 83 de la loi de finances pour 2025 modifie l’article 4 B du CGI en ajoutant un alinéa explicite : une personne ne sera pas considérée comme domiciliée fiscalement en France, même si elle répond à l’un des critères internes, dès lors qu’une convention fiscale internationale la désigne comme résidente d’un autre État.
Cette mesure, applicable aux revenus imposables depuis le 1er janvier 2025, consacre la primauté des conventions fiscales sur le droit interne français. L’objectif affiché est de résoudre les conflits d’interprétation antérieurs et de simplifier la détermination de la résidence fiscale.
Si l’on s’en tient à l’application littérale de l’article, cela signifie que si la convention Franco-Emirienne reconnaît une personne comme résidente des EAU, la domiciliation fiscale en France est écartée et le contribuable échappe à l’imposition en France de l’ensemble de ses revenus d'après l’article 19.2, même s'il venait à conserver des attaches dans l’Hexagone susceptibles de correspondre à l'un des critères de l'article 4 B du CGI.
3. Des zones d'ombre persistantes
La modification introduite par la loi de finances 2025 constitue une avancée en clarifiant la primauté des conventions fiscales sur les critères de domiciliation fiscale en droit interne. Cependant, elle soulève une question épineuse : que se passe-t-il lorsque la convention elle-même renvoie aux critères de l’article 4 B pour déterminer la résidence ?
En effet, la convention franco-émirienne ne définit pas de manière autonome tous les aspects de la résidence fiscale. Par exemple, si le « centre des intérêts vitaux » ou le « séjour habituel » restent sujets à interprétation, l’administration pourrait se référer aux critères internes français (article 4 B) pour évaluer ces notions. Dans ce cas, la boucle se referme : la convention renvoie au droit interne, que la nouvelle disposition cherchait justement à neutraliser. Cette circularité crée une confusion potentielle, car elle brouille la frontière entre le cadre national et le cadre conventionnel.
Au surplus, il semble exister un conflit entre, d’une part, la volonté du législateur de rationaliser la détermination du domicile fiscale en droit interne avec, d’autre part, le dispositif singulier de l’article 19.2 de la convention Franco-Emirienne qui serait rendu caduc par une interprétation littérale de l’article 4 B.
Sans une interprétation claire, l’application pratique de la loi risque de varier selon les situations individuelles ou les positions prises par les services fiscaux. À notre sens, cette situation appelle une clarification doctrinale rapide de la part de l’administration. Attendre une jurisprudence pour trancher ces questions ne serait pas souhaitable au vu des délais, laissant place à une période d’incertitude juridique préjudiciable aux contribuables comme à l’administration.